Russie : bataille autour des lois anti-gays

Yelena Mizulina est une femme peu connue hors de Russie. Pourtant, en tant que présidente du comité de la Douma (Parlement russe) sur la famille, les femmes et les enfants, elle est à l’origine de nombreuses initiatives législatives visant à améliorer la moralité de la société russe.

Elle a ainsi été un acteur clé de la loi controversée russe qui interdit la propagande de relations sexuelles non traditionnelles chez les mineurs. Mais elle se trouve ainsi plongée, bien malgré elle, dans un débat public qu’elle aurait sans doute préféré éviter : certains journalistes lui ont en effet demandé d’être plus explicite sur ce que constituent des relations sexuelles non traditionnelles : cela ne s’applique-t-il qu’aux gays, lesbiennes, bisexuels ou transgenre, ou bien pourrait-il être possible également pour des couples hétérosexuels d’avoir des relations sexuelles non traditionnelles ?
Il lui a également été demander de préciser si le simple fait de déclarer les gays sont aussi des êtres humains serait considéré comme de la propagande illégale.

Ces questions ont eu un écho sur les réseaux sociaux russes, où Yelena Mizulina est assez ouvertement moquée.

C’est ainsi le cas de Kseniya Sobtchak, animatrice télé, people, fille de l’ancien maire (et mentor de Vladimir Poutine) de St Pétersbourg, qui a suggéré sur son compte twitter que Y. Mizulina pourrait être prête à interdire le sexe oral. Je me demande si nous aurons toujours la possibilité de sucer des Chupa Chups ? Et que se passera-t-il avec un esquimo ? Doit-on s’attendre à se faire arrêter ?

Kseniya Sobtchak, comme une dizaine d’autres personnes, s’est retrouvée convoquée par le Comité d’Enquête (un équivalent du FBI), à la suite d’une plainte de la députée pour diffamation. Vu le poids politique de Mizulina, l’enquête est menée avec diligence, et les interrogatoires ont duré entre 90 minutes et plus de trois heures, les enquêteurs s’engageant dans une discussion surréaliste sur le thème "Y. Mizulina et le sexe oral".

Mais cette loi initiée par Yelena Mizulina est en train de devenir une épine diplomatique pour la Russie de Vladimir Poutine, avec le président du Comité Olympique Jacques Roggue, ou encore la FIFA qui demandent des éclaircissements à la Russie sur l’application de cette loi.

Et à l’intérieur du pays, l’arme la plus efficace des opposants à cette loi reste la moquerie : Mon mari et moi [...] songeons à déposer notre propre plainte contre Mizulina pour insulte à notre vie privée et familiale annonce Kseniya Sobtchak. L’expression "sexe oral" est si solidement associée à Mizulina maintenant que nous n’avons plus du tout envie d’en avoir.

Source : [TheNewYorker (USA, en)]